LA FOIRE.
Ah! je suis fou d'amour pour la grasse geante, Du rire sardonique et des regards hautains, Demangeaisons de l'ame et cancere des reins! Les nichons sanglantes, la crevasse beante M'attirent, me collent a la noire et la puante Peau qui sent d'Afrique tout le velours malsain, De cruante, de mort, d'eunuque, de putain, La nuit tragique, affreuse --- et oh! mais enivrante! Sale et sale, ton corps! Ton ame crapuleuse Vaut bien l'amphisboene des mares veneneuses: --- Que je m'y noye, sucer de tes impurs crachats L'immondice d'enfer, d'ou demon, tu sortis Y perdre les enfants d'un Dieu aneanti Par sortilege noir de tes poilus sabbats! {89}
Monstre effrayant, plus vil que tout autre animal, Corps comique --- ecrase d'un ventre de catin! --- Chef d'oeuvre de blaspheme, enfante du Malin, Insecte infecte, honteux et quand meme banal, J'ajoute ton portrait au cortege infernal De mes amours pourris. Ton glabre et libertin Caresse vaut l'ivresse --- oh! verse-moi le vin! Un tel careme fait oublier le carnaval. C'est l'amour? le degout? le luxure? la haine? Je n'en sais rien: le Dieu qui t'a difforme, naine, Me jette dans ton lit, me soumet, corps et ame, A tes pieds, a l'amour brutal et hysterique. Ce baiser a la fois ridicule et lubrique Evoque de Satan l'image --- et le dictame!
BARBEY DE ROCHECHOUART. {90}